Le partage du plaisir et des bonnes choses constitue la base de la gastronomie. Seuls à table, que restera-t-il de cet art également vecteur de santé et de bien-être? Stéphane Brunerie de Stripfood décrypte les dernières tendances concernant le repas à table.
Manger est un acte social, quasi sacré pour nous les Français ! Depuis 2010, le repas gastronomique des français a même été élu au Patrimoine culturel immatériel de l’Unesco ! Une fierté en somme !
Le repas gastronomique des Français est une pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes, tels que naissances, mariages, anniversaires, succès et retrouvailles. Il s’agit d’un repas festif dont les convives pratiquent, pour cette occasion, l’art du « bien manger » et du « bien boire ». Le repas gastronomique met l’accent sur le fait d’être bien ensemble, le plaisir du goût, l’harmonie entre l’être humain et les productions de la nature. (Unesco)
L'étude de l'OCDE en atteste.
On retrouve par exemple ce moment du repas au cœur d’une production cinématographique abondante :
Partager un repas ensemble avec un ou plusieurs convives (autrement appelé la commensalité) resserre le cercle familial et amical et, plus généralement, renforce les liens sociaux. C’est également un apprentissage traditionnellement codifié.
Comme l’affirme Xavier Alberti dans son manifeste « A table ! » : « Manger ensemble est une construction sociale qui témoigne de notre degré de civilisation (…) Manger c’est faire du soi avec de l’autre par le fait d’ingérer d’abord, mais aussi par la commensalité, c’est à dire le fait de partager la table avec d’autres, et donc d’y partager le goût, l’odeur, la texture, les gestes, les rites, les interdits, et cet ingrédient qui les lie tous, la conversation. »
L’auteur rappelle également que « La France a fait de sa table un des marqueurs de son identité, d’abord par la richesse de sa cuisine (issue de son extraordinaire terroir et de ceux qui le travaillent au quotidien, agriculteurs, éleveurs et cuisiniers) mais aussi par la permanence de ses repas, de leur régularité et de leur pérennité. Ainsi la France est-elle le pays au monde où l’on passe le plus de temps à table et surtout le pays où tout le monde y passe en même temps. Cette synchronicité n’a rien d’un détail car elle marque la respiration d’un peuple qui partage par ces moments synchrones une cadence sacrée ».
À table ! par Xavier Alberti. Partager une table ou un plat c’est faire acte de communion, c’est accepter et transmettre les règles qui permettent à une société de se retrouver autour d’une gestuelle, d’un ordonnancement, du rythme des jours, des saisons et des fêtes, des goûts partagés, bref de tout ce qui concoure à forger des valeurs centrales de cohésion. Lire la suite.
Pub TV Mc Donalds sur le service à table (2018)
Mais aujourd’hui, les choses évoluent. Si le modèle traditionnel des 3 repas résiste plutôt bien en France, on ne mange plus tous, tout le temps, au même moment et surtout de la même façon !
Une étude IPSOS pour LIEBIG sur les fractures alimentaires en France (octobre 2021) nous le rappelle. Si 84% des français mangent encore à table et 64% en famille, ce repas se trouve de plus en plus déstructuré (devant la télé, seul(e), en horaires décalés, sur une table basse ou encore en naviguant devant un smartphone). Ainsi, seulement 5% des français mangent dans une version quasi sacralisée du repas traditionnel c’est à dire jamais devant un écran, debout ou sur une table basse.
Plus récemment encore, une étude réalisée par Yougov pour la marque Duralex nous éclaire un peu plus sur les habitudes des plus jeunes en la matière :
47 % des 18-24 ans interrogés affirment ne plus manger à table, et 37 % d’entre eux considèrent qu’il est plus pratique de manger sur le pouce que de s’asseoir pour prendre un repas.
42 % des Français, dont 67 % des 18-24 ans, disent déguster leur repas dans le salon.
Un quart (27 % ) des 18-24 ans prennent même leur repas directement au lit.
L’émergence de régimes alimentaires spécifiques, de préférences voire d’allergies de plus en plus assumés, comme une forme de revendication identitaire, fragmente également ce moment et nous amène à le vivre de façon différente…
Colin Stokes (The New Yorker)
Enfin, le mobile, comme le rappelle ISPOS, est un élément nouveau qui s’invite désormais à toutes les tables. Il finit parfois définitivement de perturber ce moment sacré comme nous le rappelle le dessinateur Jean Jullien ou le film « Instafood » de Studio Bagel.
Instafood de Studio Bagel
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