Brasser de l'Air
- Amphitryon
- 26 mai
- 5 min de lecture
Pour une urgence brasserie, allez directement à la fin de l'article ou consultez notre liste.
Le salon du Bourget s’approche à grands pas pour sa 55e édition. On discutera programmes, tarifs, défense, on patientera le temps que les avions de chasse terminent leurs démonstrations, on se posera au soleil entre deux rendez-vous ou on essaiera de ne pas se faire tremper par un déluge orageux en courant des chalets aux pavillons.
Puis, en fin de journée, on ira affronter la circulation, qui dans un RER bondé, qui en taxi sur le périphérique saturé. Et c’est là que la question essentielle se posera : où dîner ?
Les annulations, les modifications, les ajouts et les RV de dernière minute vont nous confronter à la question critique du restaurant : où trouver à la dernière minute une table libre, de qualité, avec un certain charme parisien, et qui plus est, ne compromettra pas notre crédibilité professionnelle ou gastronomique par une pioche malencontreuse.
Point de panique, il existe une solution simple, pratique et élégante : la brasserie parisienne !
Certes, le mot brasserie n’évoque pas spontanément la haute cuisine, mais l’éventail des gammes est très large, jusqu’aux brasseries comme celle du Louvre-Bocuse. Par ailleurs, il est essentiel de le rappeler, les brasseries constituent un maillon essentiel dans la Gastronomie parisienne ! Ce sont des lieux uniques qui enchanteront les visiteurs étrangers, voire même les parisiens qui à trop les croiser oublient d’y retourner.
Pour les aventuriers du ciel et du salon, le premier avantage des brasseries réside dans le service continu. Peu importe si vous vous présentez à 17h30 ou à 23h, à une heure américaine ou après un passage à la réception de l’ambassade, elles seront prêtes à vous servir, contrairement aux restaurants plus intimes proposant une cuisine sur mesure.
Mais n’en doutez pas une seconde, la qualité est au rendez-vous. Simplement, elle reposera sur des plats traditionnels, sur des plateaux de fruits de mer ou sur la fameuse choucroute alsacienne. Selon la brasserie, la cuisine, s’appuyant sur des classiques tels que les œufs mimosa ou des pieds de porc, se positionnera de manière unique en faisant honneur à son héritage ainsi qu’à sa clientèle de prédilection.
Pour flatter les pupilles autant que les papilles, ces lieux hors du commun arborent souvent une décoration des plus raffinées rappelant leur exceptionnelle longévité tout comme leur période de grandeur. Bofinger, fondée en 1864, affiche son style Art Nouveau tandis que La Coupole, fondée en 1927 émerveille de son style Art Déco. Dans tous les cas, on y trouve une ambiance digne de ces grandes salles, bouillonnantes de convivialité, avec une profondeur de vue et d’émotions sans pareils.
Leurs grands miroirs dans lesquels les lumières scintillent et se propagent provoquent notre regard, nous éblouissent de mouvements. Confortablement assis dans des Chesterfield noirs, des banquettes rouges ou des fauteuils verts, notre regard navigue entre les meubles en chêne et les barres de laiton; il se laisse porter de plaisir dans cette ambiance qui traverse les siècles.
La nouvelle architecture haussmannienne n’est sans doute pas entièrement étrangère à l’esprit que l’on y trouve. Abordant l’âge de l’acier et des grandes avenues, elle permit sans doute d’accueillir avec tous les égards qui lui étaient dus cet ambiance unique de grandes salles de fête où la bière alsacienne coule à flot.
Car si la première mention de la corporation des brasseurs remonte à 1268, la brasserie telle que nous la connaissons prend forme sous l’impulsion des alsaciens fuyant l’annexion de 1871. Ils amènent leur savoir-faire brassicole, une certaine idée de l’ambiance et de l’accueil tout comme leurs plats qui dynamiseront le paysage manducatoire de la capitale.
En effet, après ses premières décennies de gloire avec Grimod et Brillat-Savarin, la Gastronomie se devait de se revigorer de sang frais. Si elle s’était construite au début du XIXe comme reflet d’un monde plus égalitaire, où le goût et le savoir-vivre de l’Ancien Régime se faisaient accessibles, elle n’en restait pas moins élitiste au sein de la nouvelle bourgeoisie de la Restauration et de la monarchie de Juillet. Seulement, l’envie de faire bonne chère devenait une préoccupation majeure s’étendant à une part grandissante de la société.
Les dernières décennies du XIXe verront ainsi une nouvelle clientèle apparaître, avec les contre-maîtres, les salariés et bientôt les ouvriers. Les quartiers historiques des brasseurs, que ce soit le faubourg Saint-Antoine, Saint Marcel ou Saint-Germain, accueilleront des brasseries qui s’adapteront à la populace locale. L'essor de nombreuses brasseries, telle Balzar, se fait d'ailleurs entre le premier vole d'Éole en 1890 de Clément Ader et celui des frères Wright en 1903.
La bière, qui marque une rupture avec une certaine tradition religieuse, voire élitiste, se sert pour la première fois en pression grâce aux avancées techniques, de transport et de fermentation, grâce notamment à Pasteur.
Ces lieux d’effervescence, où les artistes et les écrivains peuvent se fondre et observer, s’éterniser devant la comédie humaine qui se joue devant eux, des aurores jusqu’à tard dans la nuit, inspireront des grands noms comme Picasso et Sartre (La Coupole), Apollinaire et Modigliani (Le Dôme) ainsi que Beauvoir, Fitzgerald ou Hemingway poursuivant à leur façon une tradition remontant à Benjamin Franklin qui fréquentait le Procope, ou Adam Smith qui sillonnait les rues et les établissements parisiens à l’époque du premier restaurant, en 1765.
En réalité, les brasseries peuvent se poser en héroïque défenseurs de la Gastronomie. Car la haute cuisine s’est arrogée ce terme qui, tel qu’il a été définit par Brillat-Savarin, concerne en premier lieu tous ce qui contribue à l’art de faire bonne chère, c’est à dire avant tout de la bonne compagnie dans un lieu convivial. Les brasseries, élaguant des plats les fioritures qui s’épanouissent dès lors sur les murs, déploient un cadre de bien-être où la commensalité et le partage, maîtres mots de la Gastronomie, se poussent des ailes et trouvent leurs célébrants.
N’en doutez pas, après la rudesse de l'hypersustentation aérienne, avec ses contraintes de physiques, de coûts et de matières premières, les brasseries vous offriront de quoi vous sustenter avec joie et épater vos collaborateurs étrangers toujours curieux de comprendre quelle est cette magie qui anime l’âme gastronomique de la capitale.
Pour conclure, Biztronomy a compilé pour vous, ci-dessous, une liste des adresses ouvertes sans interruption et présentant un intérêt historique et gastronomique, ainsi qu'une page dédiée si vous souhaitez affiner vos recherches.
Veuillez noter qu’il peut y avoir des nuances dans le standing, certes toujours digne et chaleureux, mais qui peuvent varier entre une posture plus statique versée dans l’apparat et une envie de sincérité ou un parfum de gouaille.
Bon salon!
L'équipe Biztronomy
Repérage rapide de quelques Brasseries
1 - La Coupole
2 - La Rotonde
3 - Le Dome
4 - Lipp
6 - Bofinger
7 - La Lorraine
9 - Le Grand Colbert
10 - Mollard
Pour approfondir la question
Un excellent site pour un complément d'information sur les Brasseries : Do It In Paris !
Pour découvrir les brasseries parisiennes dans le détail : Picq, Gilles. Les brasseries parisiennes de l’avant-siècle (1870–1914) et autres lieux d’agapes et de libations. L’Échappée, 2023. ISBN 978-2-373-09148-9. Pp. 861.
ou en anglais,
The Brasseries of Paris, Little Bookroom editions, 2007 paperback by François Thomazeau, Sylvain Ageorges, translated by Anna Moschovakis
Pour s’imprégner du siècle de l’écrit qui consacra la Gastronomie : Le Mangeur du XIXe de Jean-Paul Aron aux éditions Payot
Pour approfondir l’histoire du métier de brasseurs dans la capitale, lire l'excellente thèse de Marion Humbert, Bière ou "Vin de Grain"?
Biztronomy, c'est la Gastronomie pour le Bizness. Dans cette ligne de pensée, un article pour managers en production ou logistique qui cherchent de l'inspiration, basé sur la restauration et le triptyque Coût, Qualité et Délais : Coût, Qualité et Délais au menu des Services, by Pascal Goureaux and François Meyssonnier
Article sponsorisé par Cirrus IM, 20 ans de management de l'innovation et d'accompagnement dans l'aéronautique
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