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Agapes de Bosange - Chapitre 1

Photo du rédacteur: Philippe CartauPhilippe Cartau

Mise en Bouche


Saint Koffe avait raison. Mais de son vivant, personne ne l’avait écouté, et de son morvant, encore moins.


J’en conviens, le terme n’est pas particulièrement usité, seulement, aucun mot ne parvient à décrire cette période qui se déroule depuis le trépas d’un individu. S’il n’en allait de sa similarité avec morveux, à ce mot innovant, je lui aurais prédit un avenir glorieux.


La vraie question est de savoir pourquoi l’on persiste à ingurgiter de la mouise reconstruite alors que la fraicheur de la saison nous offre dans un légume ou un fruit toute la félicité imaginable, tout comme la vache nous offre son veau et son joli petit foie, notamment celui que je m’apprêtais à déguster.


Attention ! C’est une question très sérieuse ! La cuisson d’un foie de veau relève du rituel. On ne galvaude pas un si beau présent offert par la nature : il faut le sublimer sur l’autel du goût !


J’en conviens, le veau ne partage pas cet avis. Il n’en partage aucun d’ailleurs. Et c’est bien pour cela que je me porte garant d’une digne célébration de son présent. Car, depuis un âge certain, je me suis fais une certaine idée de la Gastronomie selon laquelle il n’y a qu’à travers sa science et son art que le foie peut révéler toute sa grandeur.


Je disais donc, il y a des choses que l’on doit prendre au sérieux, qui frôlent le divin et que l’on doit respecter.


La fraîcheur par exemple. Elle est essentielle. C’est comme un boutade, un bon mot ou une idée lors d’une conversation de repas. Le plus on s’éloigne du point d’inspiration, de ce dit mot, le plus c’est fade, indigeste, voire incomestible. La fraîcheur part vite et il ne faut pas la gâcher, surtout lorsqu’il s’agit du foie de l’Oiseau. La fraîcheur dans l’escalier, tout comme l’esprit, ça ne sert à rien.


L’Oiseau, c’est le surnom de « mon » boucher. Pourquoi je me l’approprie avec tant de fierté, je ne saurais le dire. Après tout, qu’ai-je fait pour qu’il m’appartienne, ce boucher ? Rien du tout. Il s’est installé dans le quartier, je l’ai choisi, et voilà ! De plus, pourquoi en serais-je fier ? À part se faire le garant d’une longue tradition, d’une exigence et d’un renouvellement incessant, il n’a rien d’extraordinaire. Ce concept de réjoui de la table, heureux de ce qu’il n’a pas fait, m’interpelle.


Seulement, j’investis en la personne de mon boucher une telle charge émotionnelle que ma posture est peut-être normale. C’est mon aumônier des cuisines, une figure spirituelle de confiance. Découvrir qu’il me trompe dans la chaire reviendrait à découvrir que « mon » prêtre me nourrit d’idées avariées.


Fort heureusement, je ne suis pas de cette paroisse. Je n’ai pas de prêtre, je n’ai que des prêcheurs comme mon boucher, mon fromager ou mon caviste, même si je suis un peu polygame de ce côté-là.


Mais je me disperse et de là je m’égare.


Le beurre, l’ail, le persil, la température. La disposition s’élève comme vertu cardinale dans la cuisine : il est essentiel d’avoir les ingrédients, les plats et les ustensiles en ordre de marche, au risque de saccager, voire outrager de magnifiques ingrédients. Il manquait quelque chose. La fleur de sel, dans son petit bol japonisant. Et le poivre. J’hésitais parmi les nombreux poivriers constituant ma collection. L’émotion de l’engrenage à café devenant véhicule aérien se mêlait à celle des différents parfums que chacun de ces moulins pouvait dévoiler. Tant de bicentenaires qui approchaient, mes papilles comme mes neurones exultaient.


Je pris le modèle en fonte orange rouille, le modèle Bali, dans lequel j’avais versé un poivre blanc très parfumé. Il ne manquait plus qu’une chose, mais dont je devrais me passer : de la compagnie.


Le choix avait été cornélien, entre la fraîcheur impérieuse et un complice de l’assiette. Mais même à être reine, on ne saurait faire attendre un foie de veau. Certes, un bon repas est un bonheur à partager, c’est même une conviction profonde : nous avions fait un progrès immense depuis les gueuletons solitaires de nos fondateurs, Grimod et Brillat. Seulement, les évènements que je m’apprête à décrire et qui s’enchaîneraient comme un repas mal construit, prenaient une première tournure qui m’empêcherait de partager cette jouissance immodérée. Je précise donc, ce n’est pas de l’onanisme, c’est faire honneur à Barnabé le veau.


Ayant dû me déplacer pour aller faire une déposition au commissariat, ma compagne de lit et de table ne put me rejoindre à l’heure tardive de l’après-midi pour profiter de cette divine délicatesse. Comme le foie ne saurait attendre, il s’agissait de lui faire honneur prestement.


Ou comment mijoter une tempête.
Ou comment mijoter une tempête.

L’attente au commissariat m’avait été longue et pesante. Pourquoi y avais-je été peu avant midi, je n’en avais aucune idée. Je me fustigeais de tant de manque d’anticipation. Avec mes papilles s’humectant de ma propre salive, généreuse à l’idée de me délecter de cette chair savoureuse, à la température idéale, à la texture lisse, agrémentée à la quasi-perfection de ces fines ciselures d’ail, ni trop rissolées, ni trop peu, le temps me parut sans fin.


Surtout que l’heure du déjeuner s’éloignait de plus en plus, laissant à mon estomac le soin de prendre le dessus sur mon palais.


Cette épreuve rendit donc l’impertinence de la sonnerie d’autant plus incommode. Qu’à cela ne tienne - personne ne s’était annoncé auparavant, je n’attendais pas le moindre quidam, aucune livraison prévue - qu’ils fassent le pied de grue ou un tour du pâté, peu m’importait hormis ma poêle qui commençait à chauffer, tout juste prête à recevoir mon beurre frais du marché.


Seulement, la technicité dont relève la cuisson d’un foie de veau ne souffre d’aucune distraction, surtout lorsque celle-ci se fait insistante. Maudissant l’hurluberlu venant me déranger en cet instant si sacré, j’écartai la poêle et son beurre meurtri pour aller fustiger cet oiseau de mauvaise allure.


La suite en pdf sur la page Agapes de Bosange

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